ANALYSE DE L’ORDONNANCE N° 2020-386 DU 1ERAVRIL ADAPTANT LES CONDITIONS D’EXERCICE DESSERVICES DE SANTE AU TRAVAIL (SST)
Cette ordonnance publiée le 1er avril précise les missions que les services de santé au travail doivent exercer et en réoriente certaines dans la période de lutte contre la propagation du Covid 19. Elle doit donner lieu à plusieurs décrets à venir.
Article 1er :
Sont concernés le secteur privé (quatrième partie du code du travail) et le secteur agricole (livre VII du code rural et de la pèche maritime). Les services de santé au travail participent à la lutte contre la propagation du covid-19 :
- Diffusion (aux employeurs et aux salariés) des messages de prévention contre le risque de contagion.
- Appui aux entreprises dans la définition et la mise en oeuvre des mesures de prévention adéquates contre ce risque.
- Accompagnement des entreprises amenées (du fait de la crise sanitaire) à accroître ou à adapter leur activité.
L’analyse de la CFDT :
Il s’agit des principales missions que doivent exercer les SST dans la période. Pour autant, la CFDT considère qu’une plus grande proactivité en matière de conseil et d’accompagnement doit être de mise. Il en est ainsi de :
- l’actualisation de l’évaluation des risques ;
- l’élaboration du plan de continuité d’activité (PCA) sur le volet organisation et conditions de travail, santé et sécurité ;
- accompagnement de la mise en oeuvre et de l’adaptation des « guides de bonnes pratiques » ;
- appui que la prévention et gestion des risques psychosociaux (RPS) (confinement, télétravail, activité en mode dégradé et crainte de la contamination) ;
- sensibilisation et conseil en matière d’utilisation adaptée des moyens de protection tels le masque ou les gants.
Article 2 :
Par dérogation, le médecin du travail peut prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au Covid-19. Il peut procéder à des tests de dépistage au Covid-19 selon un protocole défini par décret à venir (interministériel travail et santé). Un décret à venir pour l’application de l’ensemble de cet article.
L’analyse de la CFDT :
Cet article est conditionné à 2 décrets à venir dont la date reste à préciser. Il est vraisemblablement plus simple à mettre en oeuvre dans les entreprises dotées de service de santé autonome (SSTA) en matière de dépistage. Pour autant, cette mesure prendra tout son sens dans la période de déconfinement.
Article 3 :
A compter du 12 mars 2020, les VIP, les examens médicaux d’aptitude (suivi individuel renforcé des postes à risque particulier), les visites de traçabilité des expositions avant départ en retraite (pour suivi post professionnel), les visite des intérimaires et des CDD peuvent être reportés. Un décret en conseil d’Etat en précisera les conditions pour les travailleurs en suivi adapté ou en suivi individuel renforcé. Le report de la visite ne fait pas obstacle à l’embauche ou à la reprise du travail.
L’analyse de la CFDT :
Au regard des remontées que nous avons eues suite à la circulaire N°24 du 11 mars 2020, beaucoup de SST se sont engouffrés dans cette possibilité de report des visites voire d’annulation, sans rechercher de solutions alternatives telle la téléconsultation. Aussi, en articulation avec la faiblesse de l’action en milieu de travail des SST en temps normal et encore plus dans le cadre de la crise sanitaire Covid 19, la non tenue des visites et notamment des VIP prive les travailleurs d’éléments d’information quant aux mesures de préventions à prendre mais aussi quant à l’utilisation adaptée des équipements de protection individuelle (EPI).
Le temps médical et paramédical libéré devrait pouvoir compenser la non tenue des visites au travers de l’accompagnement des entreprises (employeur, travailleurs et leurs représentants) sur les défis en matière de conditions de travail face au covid19. Un décret en conseil d’Etat à venir.
Article 4 :
Possibilité de report ou d’aménagement des interventions dans ou auprès des entreprises et notamment lorsqu’elles ne sont pas en lien avec le Covid-19, à l’initiative du SST, sauf si le médecin estime qu’une intervention sans délai est justifiée.
L’analyse de la CFDT :
Dans la période, il est impératif que les SST se saisissent des enjeux de prévention, et s’impliquent fortement dans le conseil et l’accompagnement des entreprises (employeurs, salariés et leurs représentants).
Article 5 :
Les articles 1 à 4 sont applicables jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 août 2020.
Les visites reportées devront être organisées au plus tard avant le 31 décembre 2020 dans des modalités définies dans un décret en conseil d’Etat.
L’analyse de la CFDT :
Le risque d’engorgement des SST pour effectuer le rattrapage des visites entre le 31 août et le 31 décembre 2020 est à anticiper. Certains services de santé au travail vont sûrement essayer d’invoquer la « formalité impossible » pour obtenir à titre dérogatoire ou expérimental, dans un premier temps, des adaptations à leurs obligations en la matière. Cet aspect est à surveiller pour éviter que les travailleurs en pâtissent.
Article 6 :
C’est un correctif à l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020 concernant la suspension des délais implicites d’acceptation qui ne concernerait pas les demandes préalables d’autorisation d’activité partielle présentées au titre du I de l’article L5122-1 du code du travail.
Article 7 :
Chaque ministre est responsable de l’application de l’ordonnance pour ce qui le concerne.
Pour la CFDT, la crise sanitaire est une occasion pour les SST de montrer leur pertinence et leur efficacité. Leur rôle en matière de prévention, d’accompagnement et de conseil à tous les acteurs de l’entreprise est primordial pour assurer de concert la santé et la sécurité des travailleurs et la continuité de l’activité.